Homélie du troisième dimanche de Carême 2024 – Premier scrutin des catéchumènes
Je m’adresse aux catéchumènes.
Cette femme de Samarie n’avait rien demandé. Et voilà qu’un homme, Jésus, s’adresse à elle. Déjà, qu’un homme s’adresse en public, même s’il n’y avait personne, parce qu’il n’y a pas grand monde à trainer dehors à cette heure-là, à midi, en plein cagnard en Samarie, au nord-ouest de Jérusalem. Déjà ça, qu’un homme parle en public à une femme ce n’est pas fréquent, mais en plus qu’un juif s’adresse à une samaritaine, ce n’est guère possible. Les samaritains sont mal vus par les juifs. Ils sont considérés comme hérétiques depuis que 7 ou 8 siècles avant pour des raisons politiques d’abord, religieuses ensuite. Bref, la situation décrite par l’évangéliste est originale, curieuse et imprévisible. Et peut-être que l’un ou l’autre d’entre vous peut dire elle aussi, lui aussi, que sa rencontre avec Jésus était originale, curieuse et imprévisible.
Jésus, comme souvent, commence par une question ? Donne-moi à boire et au fil de la rencontre, du dialogue, cette question va se transformer et peu à peu la femme de Samarie va découvrir Jésus un juif, qu’elle appelle Seigneur, puis prophète, puis, sous forme de question : Christ. Ne serait-il pas le Christ dit elle à ses voisins qui, ayant eux-mêmes rencontré Jésus, peuvent dire « nous savons que c’est vraiment lui le sauveur du monde »
Homme juif, Seigneur, prophète, Christ, Sauveur, voilà ce que découvrent les samaritains alors que les disciples l’appellent rabbi. Rabbi, viens manger. (Les samaritains n’ont pas de rabbin !)
Gardons ne tête cette progression. C’est souvent votre propre progression. Ça a été celle des apôtres, chacun de nous nous passons d’une certaine manière par là car une vie ne suffit pas pour découvrir qui est vraiment Jésus et que les mots de l’église, quand nous disons le je crois en Dieu, nous aident à dire qui il est : vrai Dieu né du vrai Dieu.
Gardons ne tête cette progression et revenons à la question initiale : donne-moi à boire. Et à son prolongement : « D’où as-tu donc cette eau vive ?… 13 Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »
Qu’est-ce que c’est que cette eau vive. C’est Jésus lui-même. L’Esprit de Jésus dans son lien d’amour avec le Père, l’Esprit Saint pour qu’avec Jésus nous allions vers le père. Par la grâce de l’Esprit que vous recevez au baptême et à la confirmation. Celui que nous recevons à chaque Eucharistie, cet Eprit qui nous unit au Père et au Fils, qui nous unit à l’Église, aux frères.
Cette eau vive c’est ce que l’Église appelle aussi la grâce. C’est-à-dire que c’est ce que l’on reçoit gratuitement. C’est en même temps ce qui se passe en nous un peu malgré nous. Il suffit d’ouvrir la porte au Seigneur. Ça ne se fait pas par l’application de règles, de codes, même si les 10 commandements qu’on appelle aussi les 10 paroles, nous donnent les principes de base de ce qui peut permettre à une communauté de vivre Tu ne commettras pas de meurtre.
Tu ne commettras pas d’adultère.
Tu ne commettras pas de vol.
Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.
Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; …
La relation à Dieu ce n’est pas : je fais ceci et je reçois cela. Dieu donne gratuitement. La grâce, c’est gratuit, c’est le sens propre du mot. Dieu donne, il nous suffit de recevoir. Mais attention quand même : pour recevoir, il faut avoir les mains ouvertes. Je dis les mains, mais il s’agit aussi du cœur. Et des oreilles, et du regard, … ne vous a-t-on pas déjà dit cela à votre entrée en catéchuménat ?
La vie chrétienne c’est une relation. Une relation à Dieu et aux autres. Une relation inspirée (Dans inspirer il est aussi question de souffle, d’esprit)
Ce n’est pas « je fais ci, je fais ça et ça marche. C’est je suis avec Jésus mon maître et Seigneur, mon sauveur, le christ.
Mais oui, ouvrir les mains, le cœur, c’est aussi un combat. D’abord contre nous-mêmes. Oui, là, adopter quelques attitudes qui nous aident à garder les mains ouvertes est une bonne chose. Ayez confiance en ceux qui vous accompagnent pour vous aider à vivre cela. Demandez-leur comment il font, ça peut vous aider, même si on n’est pas tous faits pareils il y a quelques constantes dans une manière chrétienne d’être homme.
Vous avez entendu dans le récit de l’évangile, il y a une histoire de cruche. Je me suis demandé pourquoi St Jean l’évangéliste nous parlait de la cruche. La femme a oublié sa cruche ! Belle affaire ! Si on écrivait un évangile chaque fois que j’oublie quelque chose !!
La cruche était là pour l’eau, l’eau du puits. Elle n’en a plus besoin de sa cruche. Elle peut l’oublier. Pas de cruche pour l’eau vive. L’eau vive elle coule en nous. L’eau vive elle ne se stocke pas. Elle coule. Elle coule en nous. Notre façon de prier l’illustre bien « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. On ne stocke pas pour demain. On demande pour aujourd’hui. Pareil dans la seconde partie du « je vous salue Marie » quand on dit « priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Maintenant.
Priez chaque jour pour que vos cœurs soient ouverts à la grâce qui coule. Prions maintenant pour vous les catéchumènes, pour votre ouverture à la grâce, à la gratuité. Prions aussi pour les vieux chrétiens, en particulier pour ceux qui croient qu’ils ont eu leur stock de messes ou de prières dans leur enfance. D’ailleurs ces chrétien-là sont de moins en moins nombreux mais l’attitude que je décris peut encore exister, comme parfois ma propre pensée sur moi-même, genre : avec tout ce que j’ai fait, j’ai ce qu’il faut pour traverser ma vie et même ma mort. Non chaque jour, chaque jour les mains et le cœur ouverts à la grâce.
Les catéchumènes : en nous demandant de prier pour vous comme je vais le faire dans quelques instants, vous nous demandez de rouvrir les vannes de notre cœur pour que l’eau vive de la grâce coule abondamment dans l’Église, pour le salut du monde ! Alors, nous vous disons merci.
Père Gérard Faure, curé