Homélie du dimanche 27 octobre 2024
Avez-vous remarqué qu’il n’est pas facile d’intégrer un groupe déjà existant. Vous l’avez sans doute déjà remarqué pour vous, mais vous êtes-vous posé la question pour les autres.
Exemple : On dit que sur le chemin de saint Jacques on fait beaucoup de rencontres.
J’y ai quelque fois marché seul ou à deux, alors oui, on fait des rencontres ; surtout seul.
Mais quand, seul, un pèlerin rencontre un groupe, que se passe-t-il ? pas grande chose ! Personnellement Je n’ai jamais bien su m’intégrer « comme ça » à un groupe rencontré. Peut-être une soirée à jouer aux cartes avec des scouts espagnols oui, on avait beaucoup ri et puis, basta. Peut-être n’ai-je jamais vraiment essayé, profitant d’être seul, de m’intégrer à un groupe ! J’ai souvent marché sur le chemin de St Jacques avec des groupes : je tire mon chapeau à ceux et celles qui ont été assez doués, inventifs, patients pour s’intégrer aux groupes avec lesquels j’étais. Parce qu’on a un langage commun, une histoire…
C’est très difficile, et c’est d’ailleurs une loi sociologique, un phénomène sociologique…
C’est une difficulté pour un pasteur. Il faut faire une communauté, c’est notre boulot parce que c’est le sens du mot Église, ecclesia. Mais la limite entre un groupe chrétien et un club … Un groupe chrétien qui « marche » bien, c’est vite un club, et c’est vite fermé, l’application Whatsapp est une allégorie, pas très poétique, de ce qu’est un groupe fermé. C’est pratique pour un petit groupe technique. Au presbytère nous utilisons l’appli Watshapp pour des choses pratiques. « Je serai en retard ! » ou « J’ai acheté du pain » … pour éviter qu’on soit trois à acheter du pain, mais, bon, ça ne change pas la vie.
Face à cette difficulté le pasteur prêtre passe son temps à rassembler, et le diacre serviteur à disperser.
Si en plus le pasteur est un bon rassembleur mais un mauvais pasteur, s’il est manipulateur, il aura vite fait de faire un groupe autour de lui, groupe qui ne survivra pas à son chef charismatique. Je me méfie quand j’entends dire que le prêtre est un père qui rassemble, qui veille sur. Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas vrai non plus parce que dans cette attitude on est proche du gourou.
Alors ça veut dire il faut faire un groupe autour de Jésus ?
C’est peut-être ça une paroisse, ou une assemblée, une communauté. Un groupe autour de Jésus. On se rassemble à la messe, on se dit « le Seigneur soit avec vous », Dieu fait le reste, et on dit « cassez-vous ». On dit plutôt « allez dans la Paix du Christ ».
Regardez l’évangile d’aujourd’hui. Il y a les disciples, il y a une foule nombreuse. (Attention, on est au Moyen-Orient, à l’est de Marseille, on exagère toujours un peu). Ça, c’est en vrac : les disciples (Lesquels ?) Une foule … Un homme invisible : Timée. Fils de, pas de personnalité. Son fils, qui n’a pas de nom, Bar Timée. Il a un qualificatif, et même deux : Mendiant aveugle.
Il y a Jésus, de Nazareth, qui passe. Bartimée, qui est assis, apprend que Jésus passe par là. Il l’appelle, deux fois. « Fils de David, Jésus, aies pitié de moi ». Un homme invisible qui fait du bruit. Vous remarquez que l’on sort de l’imprécision, d’un récit d’ordre général. Ce n’est plus la foule, c’est quelqu’un qui parle à quelqu’un. La foule, c’est changeant. La foule, elle vote untel, puis tel autre. La foule, elle acclame ce même Fils de David, le jour des Rameaux et demande sa mise à mort quelques jours plus tard. La foule… Brassens disait qu’à partir de 4 personnes on devenait « une bande de c** » !
Quand nous lisons l’évangile, nous pouvons nous mettre à la place de chaque personnage. L’aveugle, mendiant, Jésus, les disciples. Mettons-nous à la place de la foule.
Jésus demande à la foule de faire quelque chose. Appelez-le ! Il aurait pu le faire lui-même, il aurait pu faire quelques pas en arrière, il aurait pu élever la voix et crier : « Viens ».
Non, il demande à la foule d’agir. Il donne à la foule le beau rôle : alors qu’elle disait au fils de Timée : « Tais-toi », elle lui dit « Courage, Lève-toi (le mot de la résurrection) il t’appelle ! »
La foule, qui rejetait ce corps étranger qui n’arrivait pas à se faire sa place, va s’ouvrir. Ils étaient ceux qui suivent Jésus, empêchant Bartimée de se joindre à eux, ils sont ceux qui transmettent l’appel : réveille-toi !
Attention à nos façons de vivre l’Église. Comment appelons-nous ? Pourquoi appelons-nous ?
J’ai un jour entendu ceci : nous parlions à la sortie d’une messe. Quelqu’un dit sa joie de la démarche d’une jeune femme du village venue pour s’inscrire au catéchuménat, venue demander le baptême. Le petit groupe se réjouit, jusqu’à ce que quelqu’un dise. « Elle est jeune, elle va pouvoir nous aider à nettoyer la sacristie ! »
Une autre fois, dans une bonne paroisse de Bordeaux, une amie fort occupée se propose à faire une matinée d’accueil par semaine. Le jour où elle commence la personne qui l’accueille pour l’initier arrive en lui disant : on a l’habitude de commencer en allant ranger la cuisine. L’affaire a été vite pliée, mon amie qui n’habitait pas loin est repartie chez elle en disant qu’elle savait où il y avait une cuisine à ranger et de la vaisselle à faire !
Caricatural ? Oui, mais pourtant authentique. Comment, pour quoi accueillons-nous ?
Dans le récit évangélique d’aujourd’hui, c’est Jésus qui appelle « Relève-toi, dit la foule, IL t’appelle «
Revenons au groupe, à la communauté, à la paroisse autour de son pasteur et père ou gourou évoqué plus haut. La communauté, si elle veut être chrétienne, ne se fait pas autour de son pasteur. La communauté chrétienne se fait à la suite de Jésus dont le pasteur est le signe. « Ta Foi t’a sauvé », dit Jésus. Et aussitôt (comme dit souvent Marc), aussitôt il recouvra la vue et il cheminait à sa suite. Il cheminait… au temps conjugué qui évoque la durée.
Dans ces jours, soyons attentif à cela : c’est Jésus qui invite, il invite à avancer derrière lui. C’est ainsi que nous deviendrons communauté, une communauté qui voit où elle va puisqu’elle a confiance en celui qui marche en tête, Jésus. Alors le pasteur propre de la communauté sera parfois devant, -comme pour indiquer la route-, parfois au milieu -comme pour être brebis parmi les brebis- parfois à la fin-comme pour encourager ceux qui peinent.
Soyons attentif à cela dans notre façon d’être une Église synodale, mais pensons-y aussi dans notre façon de nous rassembler en famille, dans le quartier, au travail. Ne soyons pas une bande d’idiots mais des personnes poursuivant un même but et qui pour avancer vers ce but se rassemblent, comme aujourd’hui, pour se disperser ensemble. Ce sera un exemple pour ce monde d’une bonne façon d’agir pour ne pas entretenir du communautarisme.
Père Gérard Faure +
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